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DES APPLICATIONS VISUELLES DES MATHÉMATIQUES


 L’Histoire des mathématiques s’étend sur plusieurs millénaires et dans de très nombreuses régions du globe mais le développement de leurs connaissances s’effectue essentiellement de façon cloisonnée, jusqu’au XVIIè siècle. Pourtant, leurs applications ont marqué l’histoire dans de nombreux domaines, en allant de l’architecture jusqu’aux documents de comptabilité parfois très anciens, en passant par la peinture, la danse…On les considère difficiles, parfois inaccessibles mais leur utilisation a permis dans de nombreux cas la conception de créations innovantes pour leur époque. De l’outil de création à la  figure de représentation, la formule mathématique ou la figure géométrique prend un tout autre aspect, à la fois source de créativité, d’étonnement et de conception. Je souhaite m’intéresser ici à la manière dont les mathématiques et plus précisément la géométrie ont été utilisées dans le domaine de l’art, et comment leur utilisation a façonné des œuvres d'art et leur a permis de sortir de leur monde d’abstraction pour aller vers un univers plus visuel, parfois magique, symbolique ou tout simplement imaginatif et innovant.




 

LA MAGIE DE L'ILLUSION


Le travail de Julien Nédelec se définit par une propension à manipuler le langage, transformer le sens en non-sens, ou tout au moins en un sens différent, s’amuser des renversements sémantiques et tout ceci avec un goût prononcé des mathématiques (les suites complexes, les ensembles, la géométrie…). Son oeuvre «Stéréo-copies» est un ensemble d’installations colorées qui prennent la forme de ramettes de papiers peintes à  l’aérosol, présentant un jeu de lignes obtenues par le vide laissé sur le papier. Elles jouent sur le point de vue du spectateur, qui avec un angle précis perçoit un volume entier alors qu’il s’agit en fait d’une illusion d’optique appliquant le principe de l’anamorphose, un principe qui se base sur une transformation mathématique. La couleur bleue choisie ici sur l’installation fait ressortir le tracé blanc obtenu et accentue l’illusion portée par celle-ci. Elle est mathématique en tout point de vue : à la fois géométrique par ses formes et ses tracés,  et illusoire par l’apparition d’un volume alors qu’il s’agit seulement de son image. Cette référence prend place dans cette exposition par son utilisation d’un procédé mathématique fort qui suscite l’interrogation chez le spectateur et qui est mis en exergue par l’utilisation d’un volume, lui même géométrique. Les mathématiques sortent ici de l’abstraction qu’on leur connait et prennent une autre forme, beaucoup plus visuelle, qui nous permet de les atteindre et de nous intriguer.







 


En écho à l’oeuvre de Julien Nédelec, cette anamorphose de Léonard de Vinci considérée comme la première de l’histoire emploie le même procédé mais plus de 600 ans auparavant. Elle est née avec l’apparition de la perspective, et initie donc l’apparition des mathématiques dans l’art, une application visuelle et rigoureuse. Elle prend la forme d’un croquis du visage d’un enfant et d’un oeil, et la déformation que ces deux dessins présentent interpelle. Elle rend active la vision car le spectateur doit scruter le dessin tout en adoptant des postures différentes pour voir l’oeuvre dans son intégralité. Même si les mathématiques n’apparaissent pas à première vue, c’est le procédé même de la création de ce dessin qui emploie les mathématiques en jouant sur un exercice de perspective,  qui se base elle-même sur une transformation mathématique (et qui se définit par une beauté exprimable mathématiquement). En effet, il est nécessaire de créer un quadrillage mathématique à partir de deux points de fuite basés sur un premier quadrillage simple pour construire cette image déformée.
J’ai choisi cette référence car elle initie une nouvelle manière d’utiliser la perspective dans l’art, et notamment pour dissimuler des symboles ou des portraits dans les peintures. Elle joue alors sur le réel et l’illusion, rendant abstraite une image qui à travers un prisme est totalement intelligible. Tout comme Stéréocopie, et malgré son ancienneté, cette oeuvre met en avant le caractère magique d’une application des mathématiques.













 


L’oeuvre Montée et descente de M.C Escher s’inscrit dans la catégorie des figures impossibles, qui sont des représentations d’une construction fictive d’un objet contraire aux lois physiques connues de la nature.
On y voit un édifice qui paraît normal au premier coup d’oeil. En y regardant de plus près, nous observons des personnages descendant un escalier situé au sommet d’une tour et d’autres qui montent ce même escalier en les croisant. En suivant la file de ces personnages, on constate que l’escalier boucle sur lui-même et ne s’arrête jamais de monter, ce qui est impossible. Afin de créer cet univers fantastique, l’artiste s’est appuyé sur la rigueur des mathématiques sans réellement les connaitre, et a donc reçu l’aide d’un mathématicien (H.S.M Coxeter), dont l’oeuvre géométrique l’a beaucoup inspiré. Il a utilisé les multiples transformations que cet outil peut appliquer à l’univers réel. Cette figure impossible use d’illusion et de logique, car il est important de bien l’observer pour en comprendre le sens, et son impossibilité. Elle illustre parfaitement la notion de mathématiques visuelles puisqu’elle met en exergue un problème de topologie mathématique entre la dimension de la représentation (espace en deux dimensions) et celle de l’objet fictif en trois dimensions. Les mathématiques deviennent alors un outil pour mêler ces deux dimensions et apporter l’illusion.

















 
















 

LA PRATIQUE DES MATHÉMATIQUES


L’ oeuvre de Juan Gris a été marquée par le cubisme et sa volonté de rechercher une technique de représentation qui utilise la géométrie tout en abandonnant les règles strictes de la perspective. La méthode utilisée par le peintre était très rigoureuse. Il traçait d’abord une grille faisant un angle de 45° avec l’horizontale, puis remplissait les zones obtenues par des fragments des différentes vues du sujet à représenter comme cela est la cas dans son oeuvre Bouteille et couteau. Cette oeuvre représente une nature morte composée uniquement d’éléments de vaisselle, peints avec des tons de gris de noirs et de bruns qui accentuent les tracés géométriques réalisés par l’artiste. On se retrouve alors face à une oeuvre suivant un protocole rigoureux et mathématique par l’emploi d’angles et de différents points de vues, qui fait surgir une image très géométrique et ordonnée, malgré sa déformation du réel. Cette référence prend place dans cette exposition car elle utilise les mathématiques comme protocole et technique de création, et les fait par ce biais apparaitre dans l’oeuvre produite. Elles apparaissent à l’époque comme une nouvelle source de création, et marquent davantage une porosité entre mathématiques et arts. Les mathématiques sont à la fois l’outil et l’objet de représentation. On notera également que son jeu de points de vue fait légèrement écho aux anamorphoses, non pas sur la forme, mais plutôt sur le décryptage de l’image produite, où le spectateur peut s’amuser à chercher les différents points de vue utilisés par l’artiste.













 



















 



Vera Molnar est une artiste hongroise considérée comme précurseur de l’art numérique et de l’art algorithmique, et imprégnée d’un héritage pictural caractéristique de l’Europe de l’est.
Sa peinture est marquée par un vocabulaire élémentaire fondé sur la ligne, le cercle, le carré ou encore le méandre grâce auxquels elle développe une intense réflexion théorique sur les moyens de la création et les mécanismes de la vision. Les mathématiques trouvent de nombreuses correspondances avec ses créations. «Lettre à ma mère» est un dessin réalisé par ordinateur dans laquelle elle introduit l’écriture manuscrite de sa défunte mère, qui présentait un style à la fois gothique au début de ses lignes et hystérique lorsqu’elle en arrivait à la fin. L‘ensemble des éléments présents témoigne de la désincarnation de l’être aimé en une suite familière de segments obtenus à partir de l’écriture d’origine, propre à la discipline de l’artiste. Celle-ci a souhaité concilier le déséquilibre de l’écriture de sa mère avec les compositions picturales classiques qui refusent le déséquilibre. C’est pour cela qu’elle a choisi la représentation par segments et qu’elle l’a superposée à l’écriture initiale afin de restituer une forme d’équilibre dans une écriture déséquilibrée. Les mathématiques au delà de l’utilisation du segment forment l’oeuvre de l’artiste, lui amènent du sens mais permettent également d’appliquer un protocole rigoureux qui forme l’ensemble de ses créations. Elles deviennent l’outil et  le protocole à suivre.








 




















 



L’oeuvre de Gego (Gertrude Goldsmith) se distingue clairement par son utilisation particulière et poétique de l’espace et de la ligne dans ses œuvres, tout en opérant dans la mouvance de l’art cinétique. Ses pièces en trois dimensions, dont la configuration permet le mouvement et laisse imaginer une forme de fragilité sont réalisées à partir de baguettes d’acier mise en suspension dans l’espace. Par leur structuration géométrique suivant une logique chaque fois particulière, une sorte de cage visuelle se forme et emprisonne presque notre regard ainsi que notre corps lorsque nous les observons.  Dans son oeuvre "Bestiole", l’artiste définit un langage de la ligne qu’elle articule à l’infini. Ce langage se définit lui-même par une définition de la ligne propre à l’artiste : «  une ligne habite son propre espace, elle n’est pas la composante d’un motif plus grand, mais  constitue en soi l’oeuvre elle-même ». Comme ses autres structures en suspension, "Bestiole" propose un jeu de tension spatiale, où l’instabilité est clairement assumée, et offre au spectateur l’illusion que l’oeuvre subit d’imperceptibles vibrations. Si "Bestiole" offre l’image d’un grillage chiffonné, la résille de l’oeuvre semble par la suite s’animer, permettant de constater les moindres variations de l’air ambiant. Si Gego ne manifeste pas directement une inspiration de son oeuvre par les mathématiques, elle s’approprie clairement la ligne qui par définition correspond à un trait continu, dont l’étendue se réduit pratiquement à la seule dimension de la longueur. Qu’elle soit segment, côté d’une forme géométrique ou droite, la ligne se pense à la fois de manière individuelle mais aussi dans le groupe qu’elle compose. Par sa particularité, la ligne prise à part définit un rôle précis, que l’on retrouve quelque part dans l’oeuvre de Gego.








 























 

 

Le pommier en fleur de Piet Mondrian constitue l’aboutissement d’une concentration sur la thématique de l’arbre par l’artiste, et son chemin vers une peinture plus abstraite. La figure disparait dans une structure ordonnée , qui présente des variations formelles sur des signes précis : les courbes tendues des branches verticales du pommier passent à l’horizontale, créant une harmonie entre les lignes. La profondeur est gommée, permettant à tous les plans de se rapprocher et de se fondre dans une surface plane. Ce qui est particulièrement intéressant dans cette oeuvre, c’est le constat d'évolution que l’on peut faire avec celle-ci et le premier arbre «l’arbre rouge», peint dans une logique de réalisme. Si le peintre a souhaité évolué vers l’abstraction, c’est notamment par son intérêt de la géométrie et des mathématiques, qui l’a poussé à s’intéresser à la pensée théosophique, prônant l’idée d’un ordre cosmique du monde, au delà des apparences et du visible. Mondrian a donc exploité cette dimension en recherchant une peinture plus spirituelle, en traitant d’une manière particulière la lumière qui se décompose sur des formes simples, géométriques, en contraste de couleurs saturées. Le réalisme se décante progressivement, laissant place à la suggestion subtile du végétal. En outre, c’est l’utilisation d’une structure plus géométrique qui permet à l’artiste de se détacher du réel, d’aller progressivement vers une forme de spiritualité. La géométrie peut ainsi être envisagée dans son oeuvre comme un outil permettant de mettre en avant un nouveau discours.





 




























 

LA GÉOMETRIE DES

SYMBOLES


L’art latino américain est riche de motifs, de couleurs et de figures, offrant différentes formes à l’abstraction géométrique. Celle-ci prend d’ailleurs ses sources dans l’art précolombien, qui se manifeste encore aujourd’hui dans les cultures autochtones vivantes. De nombreuses civilisations précolombiennes (Maya, Incas, Aztèque) ont exploité la géométrie sous diverses formes, que ce soit dans l’architecture, mais aussi la céramique ou les œuvres textiles. Les formes géométriques parfois abstraites représentaient des animaux, des végétaux,  et permettaient  d’ exprimer un langage cosmique  entre  l’homme,  la  nature (celle qui renaît  en  permanence) et les divinités. L’abstraction géométrique permettait sans doute de ne pas représenter tels quels les éléments dans une logique de respect, s’imprégnant d’une forte dimension symbolique. Quand aux sujets de représentations, ils reprenaient souvent l’histoire des pays, mais aussi la Pachanama (Terre mère) qui est à l’origine de tout dans ces civilisations. Elle offre la matière première à leur art textile, Laine de mowuton, lama, vigogne, alpaca, guanaco …mais aussi des minéraux, racines, écorces, fruits, insectes qui servaient aux teintures naturelles. Souvent très colorées, les œuvres précolombiennes instauraient une utilisation de la couleur liée à un lieu, une saison ou encore un sentiment. L’oeuvre présentée est une tapisserie avec crabe et poissons entrelacés de la civilisation Inca, et reprend les codes soulevés plus haut. Les mathématiques précolombiennes avaient une dimension très symbolique, permettant de représenter des scènes chères aux civilisations pour honorer leurs dieux et la nature. Il est intéressant de voir qu’en plus d’avoir servi en astronomie, elles ont aussi permis la création d’une forme de langage avec le divin.






 






























 


Dans cette même logique du symbole et de la géométrie, nous pouvons  parler de l’entrelac, qui selon Michel Serres est le premier acte mathématique de l’Homme. Apparu avant l’écriture, il a marqué notre capacité à manipuler des matériaux et de les convertir en objets utilitaires, sur une logique de tissage bien définie. Les entrelacs sont également exploités chez les peuples celtes en tant qu’ornements, où il était interdit de représenter les créatures naturelles, d’où l’utilisation de formes géométriques dans leur art. Ainsi l’entrelacs, également appelé nœud sans fin ou nœud mystique avait un but artistique mais aussi une signification spirituelle. Les «rubans» n’ont ni début, ni fin, ce qui ramène à la nature éternelle de notre âme, et nous permet de méditer sur les cycles infinis de naissance et de renaissance. Le livre de Kells, rédigé en langue latine, contient les quatre Évangiles du Nouveau Testament ainsi que des notes liminaires et explicatives, en plus de nombreuses illustrations et enluminures colorées. L’ouvrage constitue malgré son inachèvement l’un des plus beaux manuscrits enluminés, réalisé par des moines de culture celtique aux alentours de l’année 800 qui se sont inspirés de leurs traditions ancestrales, notamment en employant un art de l’entrelacs, des figures animales et des labyrinthes. L’entrelacs, exploité dans l’ensemble des enluminures apporte des motifs mystiques et chimériques. Nullement destiné à un usage quotidien, la richesse graphique qu’il propose en fait de lui un livre sacré.
L’entrelacs est un outil de représentation symbolique dans certaines cultures, permis par un fin travail mathématique sur la disposition de lignes et de courbes. A la manière de la géométrie de l’art précolombien, il apporte une dimension très symbolique aux supports qu’il orne, presque divine.






 


































 

REPRÉSENTER

LES MATHÉMATIQUES

Matt W Moore propose dans ses œuvres un vocabulaire particulier basé sur la géométrie et l’abstraction; à la limite d’un tracé vectoriel toujours fait à la main avec des combinaisons de couleurs contrastées et fortes. Surtout connu pour ses œuvres murales graphées et ses identités visuelles en deux dimensions, il décide de changer de registre à travers son exposition SHADOVVS. Celle-ci présente un ensemble d’installations en trois dimensions, jouant avec la symétrie et des formes géométriques simples comme le triangle ou le carré. Les tableaux ainsi créés jouent avec l’ombre et la lumière lorsqu’on les regarde sous différents angles, emmenant plus de relief à l’ensemble. Bien que la gamme chromatique se résume à peu de couleurs, c’est la disposition des formes et leur jeu de construction qui sont infinis. L’exposition ne montre pas seulement des œuvres colorées, mais aussi une construction bien plus vaste et moins « cadrée », entièrement blanche, permettant aux spectateurs d’explorer les nuances de lumières et d’ombres sans la distraction de la couleur. On ressent dans son travail sa double caquette de designer artiste, qu’il assume entièrement, en exploitant ses connaissances en design graphique dans ses productions plastiques. Le changement de dimension permet à l’oeuvre de s’intégrer pleinement dans l’espace, comme une greffe, et cela est surtout visible dans sa composition grand format, qui semble presque sortir naturellement du mur.
L’artiste exploite donc la géométrie comme une source de création presque infinie, où la disposition des éléments avec une simple variation provoque un changement total de l’oeuvre.







 


































 

L’art fractal est un art numérique né avec la modélisation informatique de la géométrie fractale de Benoit Mandelbrot à la fin des années 1970. Il consiste à produire des images, des animations et même des musiques à partir d’objets fractals. L’objet fractal est par définition un objet mathématique, telle une courbe ou une surface, dont la structure est invariante par changement d’échelle. Le monde des fractales ouvre des champs de possibilités infinies dans le domaine des arts mais un domaine récemment découvert reste à être exploré et davantage exploité : les fractales tridimensionnelles. L’artiste mathématicien Henry Segerman fait partie des pionniers de la réalisation de fractales en impression 3D, et permet à cet art de sortir de son abstraction pure et de pénétrer de nouveaux territoires graphiques, comme c’est le cas dans son oeuvre "Developing Fractal Curves", proposant 4 objets en plastique imprimés, dont les formes ont été obtenus en interpolant trois courbes connues (Sierpinski arrowhead, terdragon, Hilbert et Heighway dragon). Les objets produits sont fascinants, en paraissant à la fois irréels et familiers, puisque les fractales apparaissent à tous les niveaux de l’univers et dans la nature (par exemple dans certains végétaux comme le choux Romanesco ou la fougère). Ainsi, ils représentent l’essence même de la nature, mise en équation géométrique et représentée graphiquement. Cette référence marque une nouvelle voie de recherches, qui exploite l’outil mathématique et la nature elle-même afin de générer des formes à la fois fascinantes et étranges. Le passage à la tridimensionalité apporte un nouveau caractère à sa recherche, comme si l’Homme cherchait à créer de ses mains ce que la nature a déjà initié avant lui, avec un outil plein de surprises.








 


































 

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